CHAPITRE XX
Jacen regarda l’affichage numérique de la seringue de calmant qu’il tenait.
Il reste une dose…
Les deux prisonniers avaient reçu chacun une quantité suffisante pour endormir deux éléphants, et ils se débattaient toujours contre leurs liens… Les créations des Yuuzhan Vong n’étaient pas des mauviettes.
Jacen dépassa Ganner, assis à l’arrière du Meilleure Chance avec un bandage ensanglanté sur le visage. Il sortit et se dirigea vers Ganner, qui parlait avec Rade.
— J’apprécie votre offre, Corran, dit le Garqien, mais je ne l’accepterai pas. Même si vous avez de la place à bord de votre vaisseau, je n’abandonnerai pas les miens, et ils refuseraient d’être évacués. Nous resterons ici jusqu’à la fin.
— Ce n’était pas de l’altruisme, Rade. Vous en savez long sur les Vong, et nous avons besoin de renseignements !
— Nous vous serons plus utiles ici. Les Yuuzhan Vong attribueront l’incendie du jardin xénobotanique à un acte de terrorisme de la Résistance. Nous continuerons à vous transmettre des informations tant que nous le pourrons. Quant à vous, partez et trouvez un moyen de « guérir » les esclaves !
— Nous ne vous abandonnerons pas, promit Corran. Nous reviendrons libérer Garqi.
Rade sourit.
— Mieux vaut vous dépêcher si vous ne voulez pas que nous prenions les choses en main !
Jacen montra la seringue.
— Nos « invités » sont endormis. J’ignore pour combien de temps. Il reste une dose. Puis-je l’injecter à Ganner ?
— Demandez-lui. (Il se gratta le menton.) Tout compte fait, administrez-la-lui, qu’il le veuille ou non !
— C’est une blague ?
— Non, dit Corran. Je n’ai pas envie qu’il fasse des dégâts avec des pouvoirs télékinétiques qu’il ne contrôle peut-être pas assez. Nous guettons le signal du départ. En attendant, il faut nous tenir prêts. Nous n’aurons pas beaucoup de temps devant nous.
Jacen se demanda si l’ordre de Corran était dû aux tensions entre les deux Jedi… Mais le raisonnement de Corran était sensé. Les souhaits de Ganner passaient après les impératifs de la mission.
Comme j’aurais dû partir quand Corran me l’a ordonné, quelles qu’en soient les conséquences.
Soudain, Jacen vit sous un autre angle le rôle de chef… Il avait toujours envié celui qui détenait le pouvoir. Ça donnait une impression de supériorité. Pour un jeune homme comme lui, c’était un peu l’équivalent d’une promotion au statut d’adulte… Et il n’avait jamais réfléchi plus loin.
Il comprit que si un chef donnait les ordres, il assumait aussi la responsabilité de ses décisions. Le succès d’une mission dépendait de lui. Si nécessaire, Corran ordonnerait des assauts suicidaires, comme celui où le pollen leur avait sauvé la vie…
Et mon oncle Luke, aussi…
Luke portait un fardeau plus écrasant encore. Jacen se félicita de ne pas avoir de telles responsabilités sur les épaules. Sinon, cela l’aurait empêché de trouver sa voie.
Les responsabilités liées au pouvoir m’empêcheraient de voir celles qui sont liées à la Force…
Jacen entra dans le vaisseau.
— Ganner, Corran m’a recommandé de vous donner la dernière dose de sédatif.
— Je n’en ai pas besoin.
Jacen plongea la pointe de la seringue vers la cuisse de Ganner… et s’en arrêta à cinq centimètres, comme s’il avait heurté un mur de transpacier.
— Ne me forcez pas à casser la seringue, Jacen… S’il contrôle si bien la Force, il ne fera pas de mouvements télékinétiques incontrôlés.
— Désolé, Ganner, Corran a dit…
— Ce qu’il avait à dire. Mais je ne veux pas de calmant. Pas encore. (Il regarda un Noghri.) Sirhka, j’ai besoin de vous.
— Demandez !
— Le medpac contient un cautériseur Nilar. Utilisez-le pour fermer ma blessure.
Le Noghri prit le medpac et en sortit le cautériseur.
— Un moment, intervint Jacen. Nous allons filer d’ici. Vous aurez un traitement au bacta. S’il utilise cet appareil pour cautériser la blessure, il vous restera une cicatrice.
— Je le sais. (Il fit signe au Noghri.) Contentez-vous de refermer la plaie.
Le Noghri pinça les bords de la blessure et promena le cautériseur dessus. De la vapeur s’éleva ; une odeur de chair brûlée envahit la cabine.
Ganner agrippa les accoudoirs de son siège. Jacen sentit sa douleur – et sa vexation, comme s’il revivait la façon dont il avait été blessé.
— Ne vous en faites pas, dit Jacen. Ils ne vous auront plus de cette façon.
Quand le Noghri eut fini de cautériser la blessure, il tendit à Ganner un pansement imprégné de désinfectant. Le Jedi nettoya le visage, où subsista la ligne rouge de la cicatrice courant du front à la mâchoire.
— Vous ne comprenez pas, Jacen. Ils ne m’ont pas eu. Je me suis abusé moi-même. J’étais persuadé d’être meilleur que les Yuuzhan Vong. Et furieux de ne pas pouvoir en combattre un sur Bimmiel. Le premier que j’ai tué aujourd’hui était un idiot. Sa bêtise a signé sa perte… Résultat, j’ai commencé à me prendre pour un génie !
« J’y étais déjà enclin, me considérant comme supérieur aux autres Jedi, à votre oncle, à Corran, à Kam… Bref, à tous les « anciens ». Etant nos aînés, ils n’ont pas eu la même formation… Krag Val m’a fait payer mon arrogance. Pourtant, votre oncle et Corran auraient pu être plus méchants avec moi. Je considérais leur gentillesse comme un signe de faiblesse… Je me suis conduit comme un idiot.
« J’aurai une cicatrice et c’est très bien. L’ancien Ganner avait un visage parfait et une arrogance absolue. Chaque fois que je me regarderai dans un miroir, je me souviendrai que l’ancien est mort à Garqi, et que le nouveau a pris sa place.
Jacen aurait voulu dire qu’il n’avait pas besoin d’être défiguré pour se souvenir du genre de personne qu’il devait être.
Il s’en abstint.
En grandissant, nous changeons physiquement. Peut-être Ganner a-t-il besoin de cette preuve… Pour lui rappeler celui qu’il est devenu. Mon oncle a perdu une main pour ça. Que m’arriver a-t-il ?
Ganner soupira.
— Maintenant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient…
— Oui ?
— Le calmant. Je veux bien l’avoir.
— Vous auriez pu le demander avant. C’aurait été plus facile.
— Je ne voulais pas que ça soit facile, mais mémorable. (Souriant, il ferma les yeux.) Réveillez-moi quand nous serons en sécurité.
Jacen lui injecta la dose de sédatif. Espérons seulement que nous serons en sécurité à un moment ou un autre…
Sur la passerelle du Ralroost, Wedge Antilles patientait à côté de l’amiral Kre’fey. Tous deux observaient Garqi sur l’écran principal.
— Pensez-vous que nos ennemis nous guettent ?
Le Bothan haussa les épaules, mal à l’aise.
— Nous ignorons encore tant de choses sur eux, Wedge… Le message mettra trois minutes quinze secondes pour atteindre nos gens. Nous ignorons s’ils ont des moyens de communication plus rapides. Le message de Corran date de plus de douze heures. Les Yuuzhan Vong ont peut-être eu le temps d’appeler des renforts. Nous ne savons même pas s’ils voyagent dans l’hyperespace comme nous, ou s’ils ont des moyens plus rapides !
— Nous apprendrons, avec le temps.
— Si nous l’avons, souligna Kre’fey. Détecteurs, des anomalies ?
— Non, amiral, tous les paramètres sont normaux. L’analyse gravitationnelle n’indique pas de masse importante cachée derrière les lunes ou les astéroïdes. Si les Yuuzhan Vong ont des vaisseaux là-dehors, ils sont minuscules.
— Merci. Lieutenant Arr’yka, envoyez un message au colonel Horn. Dites-lui que nous sommes prêts à le récupérer. Qu’il transmette les renseignements obtenus dès son arrivée à bord.
— A vos ordres, amiral.
Le Bothan se tourna vers Tycho Celchu.
— Colonel, pouvez-vous mettre nos chasseurs en état d’alerte ?
— C’est fait, amiral.
— Allons-y. J’ai promis à Horn de le sortir de là en échange des informations. Je tiendrai parole.
— Je suis de votre avis, même si d’autres vous critiqueraient. Il est toujours plus facile de critiquer que d’agir… Et j’aimerais voir arriver le vaisseau de Corran, je dois l’avouer !
— Moi aussi, conclut Kre’fey. Timonier, mettez en œuvre le plan de sortie express. Nous avons des héros à sauver !
Dans son aile X, Jaina Solo ne sentit pas le microsaut hyperspatial, mais capta le malaise des membres de l’équipage, qui n’aimaient pas les sauts. Elle reçut presque aussitôt l’autorisation de décoller. Le chasseur jaillit du tube de lancement en direction du système de Garqi.
Jaina amena son aile X à bâbord de celle d’Anni Capstan.
— Sparky, détecteurs à pleine puissance. Filtre les caractéristiques des vaisseaux yuuzhan vong.
Jaina résista à la tentation d’atteindre son frère à travers la Force… Après l’annonce de la « mort » de l’équipe d’infiltration, elle s’était sentie plus proche de ses camarades. Utiliser la Force maintenant nierait ce que cette expérience lui avait appris.
Lors du dernier briefing, on nous a dit qu’il y avait des blessés, dont un Jedi.
Elle était sûre que son frère était vivant. En dépit de la distance, elle aurait perçu sa mort. Et puis, blessé ne voulait pas dire mort.
Pour le moment, je ferais mieux de démolir quelques Vong pour que le Meilleure Chance puisse revenir au bercail.
Elle vérifia ses détecteurs.
Rien.
— Ici Douze, dit son équipière, Anni Capstan. Un contact de Garqi. On dirait que ce sont nos gars.
— Bien. Tenez-vous prête.
Jaina allait demander à Sparky de lui désigner le contact repéré par Anni, quand le droïd émit un bip strident.
Le moniteur principal de Jaina s’éclaira, montrant plusieurs contacts, dont un de grande taille. Des plus petits, d’autres traces sortirent… Ils lâchaient des chasseurs.
Elle regarda par sa verrière.
— Par les os noirs de l’Empereur !
Les Yuuzhan Vong étaient là.
En force.